Comment arrêter de se faire du mal avec les entretiens d’appréciation ?

par | RH

A chaque période, c’est la même chose. Entre janvier et avril, avant les hirondelles, les EAP, EIPP, AAP, BCA… et autres acronymes adoptés dans les entreprises, viennent occuper l’essentiel des discussions entre collègues. Et sans surprise, marronniers des organisations, les mêmes écueils viennent alimenter les flots des rancœurs qui vont polluer les rapports managés-managers. Parfois longtemps.

 Comment faire des entretiens d’appréciation un moment attendu, quel que soit le contexte relationnel ? Comment sortir de l’ornière de la répétition ? Ou de l’ennui, ou des non-dits ? Bref, comment arrêter de tomber dans les sempiternels pièges des entretiens d’appréciation qui plombent l’ambiance ?

On vous dit tout en deux recommandations incontournables et trois erreurs à ne jamais commettre.

Une petite histoire pour commencer

Damien est rédacteur SEO. Il achève sa deuxième année dans l’entreprise. Il est confiant pour son entretien. Bonne ambiance dans l’équipe, parfaitement intégré, des évolutions quantitatives notables, des initiatives dont il est content. Peu d’entretiens formels avec son manager, mais ils se voient tout le temps. Merci l’open space. L’entretien arrive. Damien l’a préparé, il est confiant. Et conformément à ces attentes, l’entretien se passe bien. Son manager lui a exposé des points de satisfaction, puis quelques points de progrès, en fin d’entretien. Trois fois rien, rien d’essentiel, des éléments pour aller plus loin, devenir toujours plus performant. Son chef est confiant, il croit en lui. Augmentation et primes dans la moyenne de la société, avec même un petit coup de pouce. Nickel… jusqu’à ce que Damien lise quelques jours après ce que son manager à retranscrit de leur échange.

« Damien doit maintenant prendre conscience que… », « il devient impératif de … », « malheureusement, tous les résultats n’ont pas été au RDV… ». Et puis les croix dans les cases. Les « partiellement », « nécessite amélioration », « en-deçà des objectifs »…

Entre les perceptions de l’entretien vécu et la lecture, un gouffre, une dissonance qui enraye toute la belle harmonie qui se dégageait de l’entretien.

Un cas particulier ? Oh que non ! Combien de fois n’ai-je pas entendu ce type d’histoire.

Entre les managers hésitants, impréparés ou calculateurs et les collaborateurs passifs, infantilisés ou inexpérimentés, le nombre d’épisodes désastreux comparables à l’expérience de Damien est très très élevé. A l’approche des périodes de bilans des performances individuelles, majoritairement, les collaborateurs stressent et les managers appréhendent. Chaque année les DRH en ont la preuve : ils sont quasi harcelés de demandes de report des périodes d’appréciation. « On peut décaler d’un mois ? », « on est obligé d’en faire deux par an, vraiment ? », « c’est vraiment utile les entretiens intermédiaires ? » etc.

Alors, on fait quoi ?

Deux fondamentaux

1- Former les managers… et les collaborateurs !

Premier point, cela peut sembler une évidence quasi insultante pour certains, mais de nombreuses fois, les managers ne sont tout simplement pas formés. Après tout, ils ont de l’expérience, ils ont reçu maintes formations au management, et puis des entretiens d’appréciation, ils en ont déjà mené tellement. Or, disons-le simplement, faire conduire un entretien d’appréciation par un manager non formé est une erreur grave. Au-delà du risque pris, c’est un aveu d’absence de considération pour chacun. C’est sembler penser que le bon sens suffit et qu’il s’agit d’un acte de management quelconque. Bien au contraire, c’est sans doute un des plus compliqués. C’est celui qui synthétise toute la relation et la qualité managériale : clarté des objectifs, suivi des actions, support lors des échecs, feedback pour accompagner les progrès, transparence des communications… c’est également celui qui vient sanctionner (positivement ou moins positivement) le bilan périodique du travail effectué. C’est un moment chargé en attente, en espoir, en appréhension. Toutes proportions gardées, « c’est un peu comme si on repassait le bac chaque année » m’a un jour dit un collaborateur.

Les formations existent, et elles sont faites pour ça.

Deuxième point, pour faire un bel échange, il faut deux personnes préparées. Alors si l’entretien d’appréciation concerne deux personnes, il serait logique de former le manager mais également son collaborateur. C’est ce que font les entreprises les plus avancées : compréhension du cadre, modalités de préparation, conseils pour l’entretien et tour d’horizon de tous les sujets à aborder avec assertivité. Former les collaborateurs à cet exercice est également une façon pour l’entreprise d’horizontaliser ses pratiques, de partager les responsabilités de la relation, de rendre autonome tous les contributeurs. C’est surtout l’occasion de tordre le cou aux néfastes asymétries créées par les entretiens d’appréciation traditionnels : le chef me donne mon appréciation (« je reçois ma note », disent souvent les collaborateurs) + le chef conduit l’entretien + seul le chef a potentiellement été formé pour conduire l’entretien.

2- Un alignement avec la culture d’entreprise

Ce n’est pas parce que l’exercice des entretiens d’appréciation est devenu obligatoire qu’il faut appliquer partout les mêmes processus. A chaque entreprise son type d’évaluation. Certes, le législateur a encadré des incontournables, mais au-delà, tout le monde gagnerait à se poser des questions fondamentales au regard de la culture de l’entreprise :

  • Quelles liaisons primes et appréciation ?
  • A quel moment discuter des évolutions salariales ?
  • Combien de fois par an ?
  • Avec qui ? Quelle collégialité ?
  • Quel type de support ? Quel niveau de formalisation, de rédaction ?
  • Faut-il le même support pour toutes les populations ?
  • Etc

Car il y a une chose importante à répéter : il n’existe pas de système d’appréciation parfait. A chaque entreprise d’adapter le sien et de l’aligner à sa culture et à ses valeurs.

Et pour finir sur ce sujet qui m’émotionne toujours, j’ai envie de vous offrir mon best of des erreurs à ne pas commettre. Pédagogiquement, ce n’est pas le mode que je prise le plus pour provoquer un changement. Mais concernant les entretiens d’appréciation, je me suis tellement souvent dit que si, au moins, les managers ne commettaient pas ces bourdes, on gagnerait déjà beaucoup !

Le top 3 des erreurs à ne pas commettre

1-La surprise

Pour comprendre, mettez-vous à la place d’un collaborateur (ou peut-être avez-vous déjà vécu cela) : vous attendez votre entretien, vous l’avez préparé, vous espérez un changement, une augmentation, une prime et là, patatras ! Votre chef vous parle d’un sujet qu’il n’avait jamais abordé jusqu’ici. La surprise ! le truc auquel vous ne vous attendiez pas. L’événement anodin dont personne ne vous avait parlé, que vous aviez totalement oublié et qui vient occuper une place centrale dans votre entretien. Vous vous sentez trahi, coincé, dupé.

Souvent les managers pensent bien faire, « le sujet était tellement important pour moi que je l’ai réservé pour l’entretien d’appréciation ».

Mais ce n’est jamais comme ça qu’un collaborateur le vivra.

A faire : l’entretien d’appréciation doit être la synthèse de tout ce qui a été discuté durant la période. Pas de surprise !

2-Ne parler que du dernier mois

Comme évoqué plus haut, l’entretien d’appréciation est destiné à faire un bilan du travail accompli, faire le point sur la réalisation des objectifs et mesurer l’adéquation des aptitudes professionnelles du salarié à l’exigence du poste (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31854). C’est clair, mais concrètement, procéder à ce bilan sur une période d’un an (le plus souvent) peut s’avérer sacrément compliqué si on n’y a pas été préparé. C’est ainsi que quantité de managers tombent dans ce piège. Leurs exemples, illustrations et commentaires sur les aptitudes professionnelles ont souvent une ancienneté… de quelques jours. Aussi pertinents que puissent être ces références, un collaborateur aura toujours du mal à accepter entendre une année de travail résumée à l’aune de deux ou trois éléments survenus durant le mois écoulé.

A faire : mener des entretiens réguliers et a minima un ou deux entretiens intermédiaires formels. On se donne ainsi plus de chances de partager les mêmes références et représentations des points marquants de l’année.

3- Dire, « s’il n’y avait que moi…»

Enfin, la troisième erreur. La plus simple à comprendre. L’erreur de la pseudo complicité. Le manager n’est pas à l’aise dans ses baskets à l’annonce de l’appréciation, de l’augmentation, d’une prime ou d’une possibilité de mobilité/promotion et lâche le « tu sais, s’il n’y avait que moi… ». Quoi ?! Les augmentations seraient au rendez-vous, la promotion aurait eu lieu depuis belle lurette ? Ceux qui sont « au-dessus » ne comprennent rien ?

Le manager qui tombe dans ce piège se tire une balle dans le pied. Il ne console pas son collaborateur, il montre son impuissance et discrédite son entreprise et lui-même.

 

En évitant ces pièges et en préparant tous les acteurs aux entretiens d’appréciation, les entreprises se donneraient toutes les chances de réussir l’entretien…des relations entre managers-managés. Comme un feu de cheminée, les liens de collaboration s’entretiennent. Prendre le temps de se dire les choses, de les écouter, de les partager sont des choses indispensables pour créer la confiance et le soutien. C’est pour cette raison que, quels que soient nos historiques, les entretiens d’appréciation restent attendus.

Alors, et si on s’en servait pour se faire du bien ?

Frédéric Oglietti Fondateur de Possible.s - Coach, consultant et formateur intelligence collective et management - 20 ans d’expérience de poste de direction - Des accompagnements reconnus