Quel rôle les entreprises ont-elles à jouer dans l’information et la sensibilisation sur les crises climatiques ?

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« Ce n’est pas parce que je vais me priver de steak-frites que je vais sauver la planète ! ».

C’est par cette exclamation que ma semaine a commencé lundi. Pas facile de contre-argumenter en une phrase, voire même en moins de 10’. D’expliquer les flux marchands internationaux. Que la France exporte des céréales en Chine et au Maghreb et qu’en parallèle nous importons du soja d’Amérique Latine pour nourrir notre bétail… que ce soja est produit en déforestant l’Amazonie… que nous exporterons une partie de notre bétail, pour parfois le réimporter sous forme de steak. Que la consommation de viande représente autant d’émissions de CO² que la consommation de gaz et de fioul (1). C’est la dure loi de Brandolini (2) : « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est très largement supérieure à celle nécessaire pour les produire ».

Alors que peut faire l’entreprise au milieu de tout ça ? Comment continuer à être dans l’action, engagé, quand on entend que des catastrophes et qu’on en attend des nouvelles ? Comment avoir le sentiment qu’on peut agir quand toutes les crises semblent planétaires ? Comment ne pas sombrer dans l’« a-quoi-bonisme » tant les problèmes semblent imbriqués et complexes ? Et surtout, comment démêler le vrai du fake dans cet océan d’information ?

C’est un des grands paradoxes de notre temps. S’il est clair que nous n’avons jamais eu autant accès à l’information, il est tout aussi évident que son abondance crée une possible indigestion. « L’info-bésité » nous a gagnés et peut brouiller les messages. Dans le même temps, l’information ne crée pas forcément la connaissance. Nous sommes tous davantage devenus des consommateurs de sensations que des intégrateurs de connaissances nouvelles. C’est dû à au moins deux choses :

  • Les médias sont devenus une nourriture. On les consomme plus pour être connecté que pour comprendre. Pour ne pas être doublé par « les réseaux sociaux », les professionnels de l’information entretiennent le syndrome du FOMO (Fear Of Missing Out, la peur de manquer l’info). Le « quoi ?! Tu n’es pas au courant ?!» qui vous fera passer pour un extraterrestre à la machine à café.
  • L’information seule ne suffit pas à l’accès à la connaissance et à l’intelligence. Pour simplifier, on peut dire qu’elle est nécessaire, mais non suffisante.

C’est là un des grands dangers qui guettent les entreprises. Que leurs collaborateurs prennent une position attentiste ou « abandonniste » au milieu du brouillard informationnel qui les entoure. C’est particulièrement ennuyeux dans un contexte d’urgence climatique et de contraintes énergiques auxquelles les entreprises doivent faire face. Comment accepter d’agir quand on doute des raisons ?

Qui n’a pas entendu des

« À quoi bon réduire mes propres émissions de CO² lorsque les Chinois font tournés leurs centrales à charbon ? »

« La France ne pèse que 1 % des émissions de CO²»

« Le tri ne sert à rien, les poubelles sont ensuite mélangées »

« Ce n’est pas ça (et vous pouvez changer ça par des centaines d’éléments) qui changera quoi que ce soit »

Etc

Et si on partageait collectivement les informations pour les transformer en connaissance ?

Et si ce contexte était une formidable opportunité pour changer nos modes de collaboration ?

Une bonne nouvelle à garder en tête : nous pouvons dissiper le brouillard. Car c’est le NOUS collectif qui est indispensable à nos contextes d’incertitude.

Les entreprises vertueuses font 4 choses :

  1. Elles entretiennent le partage des informations et des pratiques pour créer un socle commun de connaissances

Voici le top 10 des pratiques :

  • Ateliers autour des « Fresques » (du climat, de la diversité, de la biodiversité, du numérique)
  • Organisation de conférences internes
  • Abonnement à des revues spécialisées
  • Blogs collaboratifs internes
  • Encourager l’éco-volontariat
  • Créer des missions de mécénats de compétences
  • Organiser des actions d’équipe (nettoyage de plages, plantations d’arbres…)
  • Inviter des grands témoins lors de conventions annuelles
  • Populariser les calculateurs d’émissions de CO2

2. Les dirigeants, impulsent une nouvelle image, en acceptant de ne pas tout savoir et en accompagnant les démarches de partage d’informations

3. Elles animent collectivement l’élaboration des plans d’action, leur mise à exécution et leur mesure

4. Elles renouvellent constamment les points 1, 2 et 3

Comme l’indique Edger Morin, il est maintenant indispensable d’apprendre à développer une connaissance capable d’intégrer les problématiques globales pour les traduire en actions locales.

Ajoutons que ces enchainements collectifs sont de formidables générateurs de liens et potentiellement de sens.

 

  • MyCO² par Carbone 4 d’après le Ministère de la Transition Ecologique, le Haut Conseil pour le Climat
  • Merci à l’excellent Thomas Wagner autour du site Bon Pote pour la popularisation de cet aphorisme d’Alberto Brandolini : Face à toutes les inepties et mensonges clamés par Silvio Berlusconi à la télévision, l’auteur faisait le constat que le travail de production de toutes les informations et explications pour le contredire ne pouvait produire leurs effets que trop tard. C’est ce qu’il a appelé le Bullshit asymetry Principle. On trouve aussi sur wikipedia, le concept formulé par Jonathan Swift(L’Art du mensonge politique, 1733) : « Le mensonge vole et la vérité ne le suit qu’en boitant, de sorte que, lorsque les hommes sont détrompés, il est trop tard ; la farce est finie et la fable a fait son effet. »
Frédéric Oglietti Fondateur de Possible.s - Coach, consultant et formateur intelligence collective et management - 20 ans d’expérience de poste de direction - Des accompagnements reconnus