Vous pensez que la période d’intégration d’un nouveau.elle collaborater.trice est essentielle ? Mais vous observez que c’est chronophage et êtes à la recherche de solutions ? Vous considérez qu’au-delà de la prise en main du poste, saisir et composer avec la culture d’entreprise est capital ? Parlons-en.
Régulièrement, je fais une petite séance de scroll sur LinkedIn. J’aime bien.
C’est toujours récréatif (beaucoup confondent LinkedIn et TikTok, du coup je peux voir des vidéos rigolotes), inspirant (merci mon réseau 😊 !) et efficace pour capter les tendances.
Inscrit depuis près de 15 ans, et en tant qu’ex-DRH (notamment), comme d’autres je vois l’évolution des sujets : Les années GPEC, intranet, mobilité internationale, QVT, guerre des talents, digitalisation, ERP/SIRH, soft skills, et maintenant l’IA… Surfer de temps en temps sur LinkedIn, c’est comme suivre la fashion week pour goûter aux courants de la mode.
Côté RH, dans 100 % des cas, les solutions proposées, vantées et louées avec force emojis sont… techniques. Cela vous paraît curieux ? Mais c’est tellement plus facile de chercher un outil que de composer avec ce PFH (P… de Facteur Humain !). Problème = solution technique. Problème humain = solution technique. Ah oui ?
- « Houston, nous avons un problème !»
- « Avez-vous installé l’appli qui va bien ?»
Je trouve que ces 10 derniers mois, on atteint des sommets. La fast fashion des RH est là ! Sur tous les groupes RH que je follow, les sujets tournent en boucle sur les problèmes de recrutement. Et qu’est-ce qu’on échange ?
- « Qui a testé le logiciel machin ?»
- « Pouvez-vous me dire le prix de l’application truc ?»
- « Connaissez-vous un cabinet qui travaille au forfait et qui s’appuie sur l’intelligence artificielle pour pas cher ?»
Je suis étonné de ne pas encore trouver une offre conjointe Netflix/Amazon pour recruter. Pour un abonnement de 5€ par mois, leurs IA pourraient tenter un paquet de recruteurs. Mais RGPD veille (collections en tête de tous les défilés RH 2019).
Mais je pense qu’on atteint le pire avec les outils d’intégration. Pardon, il faut dire « onboarding » maintenant. Les solutions pullulent. La promesse est simple : automatiser les périodes d’intégration, fluidifier la gestion administrative des nouveaux collaborateurs et leur faire vivre une expérience collaborateur unique (!).
Cela ne vous rappelle rien ? Mais oui, ces chères (et vraiment chères si on est côté retailer) expériences clients. Qui, après avoir acheté salon de jardin, aime recevoir un email de la même chaine de magasin, vous demandant « Frédéric, avez-vous pensez aux beaux jours qui arrivent ? Venez découvrir nos salons de jardin en promotion » ? Personne. Mais on s’est gentiment habitué. Des chaînes de magasin aux centres hospitaliers, en passant par les services publics, tout le monde a cédé aux sirènes de la digitalisation. Les chatbots sont devenus nos amis numériques. Nos amis impersonnels et déshumanisés. Voilà, les mots sont lâchés. Allez jusqu’à rechercher un outil pour l’intégration de futurs collaborateurs, c’est faire l’inverse de l’effet recherché. C’est comme prôner l’équithérapie et offrir « my litle pony » sur DS ou Xbox.
Alors bien sûr, j’entends les réflexions. Non, je ne souhaite pas revenir aux années 80. Oui, j’adore mettre deux secondes à prendre un billet de train, ne plus me perdre grâce à Waze ou régler mes impôts en 3 clics.
Alors quoi ?
3 recommandations pour agir avec raison, efficacité et en gardant les femmes et les hommes au cœur.
On reproduit toujours les mêmes erreurs
- La première chose à avoir en tête est que l’histoire de la digitalisation nous montre qu’on reproduit toujours les mêmes erreurs. On se lance à fond dans des solutions prétendument miraculeuses, puis on constate qu’elles ne tiennent pas toutes les promesses, qu’elles coûtent plus cher que prévu et que, surtout, les équipes ne se l’approprient pas (encore ce PFH !). Alors ensuite on passe beaucoup de temps à redéfinir les process, à embarquer les collaborateurs, écouter leurs besoins puis rationnaliser le produit acheté. C’est la courbe du chat qui s’étire.
Tous ceux qui ont implanté un ERP ou un SIRH savent de quoi je parle.
Solutions :
- 80 % d’humain, le reste suit toujours
- Avancer pas à pas, par lots (une petite relecture de la fable du lièvre et de la tortue peut faire du bien aussi)
- Challenger les sources de valeur ajoutée avant de penser outil. Un(e) assistant(e) qui passe du temps à organiser des RDV lors d’un parcours d’intégration est-elle plus, ou moins utile qu’un robot ? Est-ce qu’un robot détecte les résistances, les suggestions, le stress, les joies et les peines des managers contactés ? Par exemple…
l’intégration est la solution aux problèmes de recrutement
- La deuxième recommandation est de se rappeler qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’intégration est la solution aux problèmes de recrutement. Soyons clairs : en période de pénurie de main d’œuvre, on palie. On recrute et on assure la formation des nouveaux venus. L’histoire est longue et riche des secteurs d’activité qui ont su être pragmatiques et efficaces. Du bâtiment, au secteur automobile, en passant par la téléphonie, des secteurs entiers ont pris le taureau par les cornes et ont développé leurs filières d’intégration. Le contexte d’aujourd’hui nous invite à nous en inspirer et à nous ouvrir encore davantage pour donner naissance à des actions réellement inclusives.
Les solutions :
- Développer l’apprentissage et la formation des managers pour devenir tuteurs et/ou coachs et/ou mentors
- Adopter des approches de recrutement fondées sur les aspirations, les envies, la motivation, la soif d’apprendre et de faire partie d’un collectif
- Former les managers à intégrer ces nouvelles pratiques de recrutement
- Sensibiliser tous vos collaborateurs aux enjeux de l’inclusivité. C’est utile, bon et efficace.
laissez faire et encouragez vos managers à être eux-mêmes
- La troisième est la plus simple, mais malheureusement la plus éloignée des tendances actuelles : laissez faire et encouragez vos managers à être eux-mêmes. Soyez vrai ! Intégrer veut dire partager, accueillir, transmettre une culture, de la chaleur, des histoires, des codes. Originellement, intégrer voulait dire réparer, remettre en état. Aider l’autre dans sa mosaïque de représentations, qui lui est propre, à rassembler ses morceaux dans une nouvelle équipe, avec de nouvelles relations. C’est le moment où il s’agit d’être authentique et de tisser un lien personnel.
Les solutions :
- Donner un budget à vos managers pour partager un café, un déjeuner
- Encourager les managers à passer une journée à l’extérieur de l’entreprise avec leur nouvel arrivant
- Nommer un parrain qui sera seul en charge d’imaginer le parcours d’intégration idéal (vous serez surpris de leur créativité et de leur engagement)
Ma meilleure intégration ? Mon parrain avait oublié ma date d’arrivée. Il devait être en déplacement. Il est venu me chercher chez moi et m’a emmené une journée avec lui, faire une tournée de magasin. A la fin périple, je connaissais plein d’anecdotes sur l’entreprise, avait un complice et des confidences/recommandations qui m’ont permis de très vite m’acculturer.
Ne faisons pas faire au digital ce qu’il ne peut pas faire. Restons sensibles.
- Merci à Mickael Aguillar à qui j’ai piqué la photo