La réunionite est-elle vraiment une maladie ?

par | Organisation

Une rapide recherche sur les études menées sur les réunions nous apporte quelques données édifiantes. Mais pas forcément surprenantes lorsqu’on a vécu en tant que cadre dans des entreprises ces 25 dernières années.

3 décisions sur 4 n’aboutissent à aucune décision.

Ce résultat avancé par Wisembly et l’Ifop, illustre les maux des réunions que nous rencontrons quasiment partout : absence de véritable ordre du jour, un timing dicté par tranche d’une heure, des rangées d’ordinateurs portables ouverts et des téléphones comme autant d’émetteurs de textos compulsifs. Ajoutons à cela que notre attention s’envolerait au bout de 52 minutes et nous avons le combo gagnant de la réunion fatale. De celles qui nous occupent près de 18 heures par semaine en moyenne (les échos – Steven Rogelberg).

Rien d’étonnant dans ces conditions de découvrir que 31% des personnes interrogées déclarent qu’elles préfèreraient ne pas être invitées.
0% avouent faire régulièrement autre chose pendant ces réunions (et oui, les ordinateurs ne sont pas -exclusivement- ouverts pour prendre des notes). Une enquête de Barco et Circle Research, menée auprès de 3000 salariés de bureau dans 8 pays (Inde, USA, Royaume-Uni, Allemagne, Australie, France, Japon, Chine), indique que moins du 1/3 du temps passé en réunion est en lien avec un ordre du jour fixé : 23 % étant « gaspillés sur des questions techniques ou à attendre que les gens arrivent », 26 % à des « bavardages hors sujet », et 14 % à planifier « les prochaines étapes ».

CQFD, la réunionite est vraiment une maladie, qu’il faut soigner par la formation.

Apprendre à soigner la détermination du sujet et des objectifs de la réunion. Apprendre à animer la réunion, à donner la parole, à distribuer les rôles (l’animation déléguée peut révolutionner certaines réunions), à tenir un timing,… oui, oui et oui.

Former tous les acteurs de l’entreprise à tenir leur rôle et leurs responsabilités est précieux et nécessaire. Mais pas forcément indispensable si le problème se situe ailleurs.

Si, par exemple, l’entreprise manque de clarté dans sa stratégie, si ses objectifs sont aussi flous que les responsabilités d’un trop grand nombre d’acteurs qui occupent des postes clés, elle pourra faire suivre les meilleures formations à la conduite de réunion, les indécisions et l’embarras vécus en réunion perdureront.

La « réunionite » est un symptôme et non la maladie. Dès lors, la formation est un outil au service d’une possible rééducation ou mise en place d’un protocole prophylactique, mais pas le remède.

Comme souvent, on se rue sur l’outil pour éviter la pénibilité que constitue la recherche des causes. C’est humain.

Et si on prenait notre courage à deux mains et qu’on les regardait en face ces causes ?

Voici ce qui pourrait faire l’objet de belles réunions, portables éteins et ordinateurs fermés :

1- Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup

Pourquoi y a-t-il autant qu’acteurs en réunion alors même qu’ils s’y ennuient ? la réponse est peut-être à aller chercher du côté des risques. Ai-je plus à gagner ou à perdre à participer ou non à ces réunions ? Le manque de clarté dans les objectifs occasionne un besoin constant de coordination et de communication. Les réunions remplissent finalement souvent ce rôle : avancer en cheminant. On pourrait y voir de la souplesse ou de l’agilité, c’est malheureusement la marque du flou dans lequel on tente de nager. Les participants aux réunions cherchent à clarifier leur environnement pour sortir la tête de l’eau et se débattent pour trouver des points de convergence ou de cohérence avec leurs propres objectifs. Statistiquement, à raison de 7 participants par réunion, je risque bien de ne pas être concerné par un bon 1/3 des échanges.
La réunionite est d’abord le symptôme d’un manque d’alignement de la stratégie et des objectifs de l’entreprise.

2- Plus c’est complexe…plus c’est compliqué

A mesure que les organisations grossissent, elles se complexifient. Une étude du BCG (Boston Consulting Group*) menée entre 1950 et 2010 a montré que dans les années 50, une entreprise poursuivait autour de 5 objectifs majeurs. En 2010, une entreprise en poursuit autour d’une trentaine (dont 1/3 sont contradictoires !). Cela signifie qu’en 50 ans l’indice de complexité a été multiplié par 6.
Face à cela, les entreprises ont multiplié les réponses : organisation matricielle, cercle de qualité, contrôle de gestion et audit interne, progiciels, référentiels de normes, chartes, … ajoutant de la complication à la complexité. Le BCG estime que si la complexité a été multipliée par 6, l’indice de complication l’a été par 35 !
Les collaborateurs passent donc beaucoup de temps en réunion pour tenter de démêler l’écheveau de complexité dans le quel ils se trouvent pris.

3- Qui sont les vrais contributeurs ?

Votre organisation sait-elle valoriser les personnes à l’origine de la performance ? Si la question posée peut vous sembler incongrue, c’est sans doute qu’elle est plus pertinente qu’il y paraît. Aujourd’hui encore, nombre d’entreprise n’ont pas réglé la question de la sur-valorisation des « beaux parleurs ». Cette compétence particulière qui consiste à être au bon endroit, au bon moment, pour dire ce qu’il convient de dire. Une quasi définition du marketing… appliqué à sa belle personne. L’étude menée il y a en 30 ans maintenant par Fred Luthans ** reste trop actuelle : pour « faire carrière », il vaut mieux passer beaucoup de temps à communiquer et se montrer que s’occuper de ses équipes et rester centrer sur les résultats collectifs. Une conduite des affaires qui profite plus aux hommes qu’aux femmes d’ailleurs. Aux USA, un terme est venu illustrer une pratique particulièrement révélatrice de ces dérives : le “Manterrupting” ou comment les femmes se font couper la paroles par des hommes qui ne procèdent pas ainsi vis-à-vis de leurs compères.

Se retrouver, être ensemble, partager, dialoguer, … autant de verbes positifs et de situations potentiellement heureuses. Finalement, se réunir, faire union, c’est une fonction essentielle et profondément humaine. Pas besoin d’invitation, spontanément les collaborateurs ritualisent des rencontres. Par un alignement et un partage des objectifs communs, par une gestion de ressources humaines cohérente et partagée, par une diffusion des pratiques de gestion déléguée des réunion, nous pourrions tous réclamer une bonne petite dose de réunionite !

Frédéric Oglietti Fondateur de Possible.s - Coach, consultant et formateur intelligence collective et management - 20 ans d’expérience de poste de direction - Des accompagnements reconnus